• D'un paquebot ensablé à l'urbanisation du golfe du Lion

         Les caboteurs de Méditerranée ouest connaissent bien le Lydia, le paquebot ensablé qui leur sert d'amer mais qui est depuis 47 ans un immeuble au milieu des autres, servant entre autre de night club, restaurant, piscine et casino.

         Drôle de destin pour ce bateau enraciné définitivement dans le sable, accueillant chaque année des milliers de voyageurs immobiles, bien loin du grand air et des embruns du large.

     

     

         Voici un film documentaire intitulé "Le Barcarès, entre hier et demain", de 1968 qui explique l'installation du Lydia à Barcarès, en juin 67 mais qui montre surtout pourquoi et comment l'urbaniste et architecte Georges Candilis a pensé et conçu les aménagements des stations balnéaires que nous connaissons encore aujourd'hui.

         A cet endroit, le paquebot grec Lydia marque le début de la bétonisation et de la parkinisation des plages et étangs de Barcarès. Pour réaliser ces villes nouvelles les bulldozers ont déplacé 6 millions de m3 de sable (12'40'') et les planificateurs ont programmé sur cette zone sauvage 22 km de terrain "pieds dans l'eau"...

         Ce documentaire est passionnant à plusieurs titres. D'abord, on voit bien comment était Barcarès à cette époque et de quelle manière vivaient les pêcheurs, contraints de rester près de leurs bateaux, loin des villages alentours où ils résidaient.

     

     

         Ensuite, le réalisateur montre comment les hommes ont relevé le défi technique qui consistait à remorquer le Lydia depuis Marseille, un jour de forte tramontane ou de cers.

         Il ne faut pas rater l'interview du sénateur (à partir de 8') qui explique que "grâce à beaucoup de complicités forts aimables" ils ont réussi à donner un statut juridique à ce bateau qui n'en est plus un et ont réussi à lui donner, le temps du transfert, le tout nouveau statut "d'engin flottant".

         Ensuite, c'est l'inventaire de toutes les attractions que l'on pourra trouver à bord. Saviez-vous que Le lydia sera doté "probablement d'une sorte de boite à slow, à tango pour des gens raisonnables" ?

         Mais, passées ces premières minutes finalement anecdotiques on entre vraiment dans le vif du sujet.

         A partir de 11'30’', ce sont les témoignages des habitants du coin qui voient d'un bon œil l'aménagement touristique du coin même s'il parait "difficile de croire que ce territoire peut être aménagé". Et pourtant (à partir de 12'40) les images sont impressionnantes. Les travaux sont pharaoniques, s'étendant sur des centaines d'hectares. On aplanit, viabilise, bâtit, goudronne à tout va.

     

     

         Puis, l'architecte et urbaniste Georges Candilis qui réalisera aussi d'ailleurs Port Leucate intervient et on apprend que l'on va faire du vent (presque permanent dans ce coin), "non plus un ennemi mais un ami".

       Partant de ce principe, la tramontane va être le moteur naturel du développement des loisirs nautiques de la région, nous qui naviguons à la voile le savons si bien ! Ainsi Candilis explique comment il va tirer parti du vent et de la configuration du terrain : il y a la mer, les étangs et entre ces éléments-là, il y a des marais. L'idée de Candilis sera non pas de les assécher mais au contraire de les creuser pour créer... des marinas. Pendant une dizaine de minutes, très instructives, (15ème à la 24ème mn) le copain de Le Corbusier fait un véritable "cours" en plein air, marqueur à la main, devant le journaliste qui ne comprend pas tout. Sa démonstration est très intéressante car elle permet de parfaitement comprendre les raisons qui ont poussé à ce type d'aménagement (que l'on peut toujours critiquer, évidemment).

     

     

         Enfin, d'un point de vue géographique, c'est extraordinaire. On est pétrifié d'entendre Georges Candilis expliquer ses croquis car on se rend soudainement compte combien ses projets étaient empreints d'un idéal de vie pour les habitants de ces stations balnéaires. Tout est beau, pensé pour le bien-être des humains en vacances : espaces verts, pas de voitures, des espaces piétonniers, des canaux pour circuler avec sa vedette. La plage est là, accueillante et protégée. Les immeubles doivent être immédiatement à proximité. L'habitat se prolonge en terrasses, vers l'extérieur. Tout est pensé pour le bipède touriste.

         Mais les bras tombent lorsqu'on l'entend déclarer que "les immeubles des marinas sont hauts parce qu'ils sont à l'échelle de la mer, de l'horizon" et que parfois "il ne faut rien" et "c'est extraordinaire de laisser la nature comme elle est, surtout comme ici à Barcarès" !

         Étonnant discours contradictoire, écartelé entre un idéalisme d'urbaniste, une volonté politique et une rentabilité à court terme. Toujours est-il qu'à cette époque tout se passe comme si on n'avait pas prévu les conséquences désastreuses du tourisme de masse (pollution, uniformisation, encombrement...), sur le littoral, l’environnement, les paysages et les hommes.

     

         Pour visionner ce magnifique documentaire C'EST ICI !

     

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